EFFECTUATION, les principes de l’entrepreneuriat pour tous,
par Philippe SILBERZAHN, PEARSON 2014
Philippe SILBERZAHN est professeur à l’EM LYON ; il a été lui-même entrepreneur, et a co-écrit « Objectif Innovation », qui avait fait l’objet d’un LINK en 2017.
L’effectuation est un concept créé par Saras Sarasvathy, chercheuse américaine, qui a étudié le cas de 45 entrepreneurs ayant réussi pour en dégager des principes qu’elle a réunis sous ce nom.
Philippe Silberzahn, dans cet ouvrage, présente ces principes puis décrit le processus entrepreneurial à travers de nombreux cas concrets.
Il explique tout d’abord en quoi l’effectuation prend le contrepied de la démarche classique d’innovation qu’il appelle la logique causale : on détermine un but (« conquérir 4% du marché français des crèmes solaires pour enfants ») puis on détermine les moyens. Cette démarche « causale » fonctionne bien sur des marchés établis, selon le principe de l’optimisation.
Dans la logique effectuale, au contraire, on considère les moyens disponibles pour déterminer les buts possibles (« je dispose de 3 mois et de 1000 €, je suis passionné de sport, que puis-je imaginer comme idée d’entreprise ? »). Cette démarche effectuale est adaptée dans un contexte de risque et d’incertitude, et elle exige de la créativité.
Ainsi les entrepreneurs partent souvent d’une idée floue, sans business plan ni étude de marché, et se lancent rapidement. Pour réussir, ils s’appuient sur les moyens dont ils disposent : leur personnalité, leur savoir, leur réseau.
Philippe Silberzahn passe ensuite en revue les mythes qui règnent sur l’entrepreneuriat : l’entrepreneur super-héros, visionnaire, charismatique, solitaire et chanceux, pour montrer qu’en fait l’entrepreneuriat est à la portée de tous.
Il développe alors les 5 principes de l’effectuation :
- « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », ou « Démarrer avec ce que l’on a ». Et les premiers moyens de l’entrepreneur sont : qui il est (sa personnalité), ce qu’il sait (son savoir) et qui il connaît (son réseau).
- « Raisonner en perte acceptable », plutôt qu’en gain attendu : la perte est estimable a priori, pas le revenu.
- « Patchwork fou », construire son projet en fonction des parties prenantes qui s’y engagent plutôt que chercher à tout planifier.
- « Limonade », ou « Tirer parti des surprises ». « Si la vie vous envoie des citrons, vendez de la limonade », autrement dit n’hésitez pas à changer les buts (« pivotez » dans le langage des start-ups)
- « Pilote dans l’avion » ou « Transformer plutôt que chercher à prédire l’avenir ». L’action est privilégiée par rapport à l’analyse.
A partir de ces 5 principes, Philippe Silberzahn décrit le processus d’entrepreneuriat en insistant sur la priorité à l’action en réseau : « plutôt que d’investir dans une étude de marché, le faire dans la constitution d’un réseau croissant de parties prenantes qui s’engagent ». C’est en agissant et en s’associant avec d’autres que les entrepreneurs transforment leur environnement. Il s’agit moins de résoudre des problèmes que d’inventer des mondes nouveaux : l’imagination plus que le calcul, l’invention plus que la sélection. Co-création et engagement sont les leitmotives de l’effectuation.
L’auteur termine en mettant l’accent sur les aspects culturels de l’effectuation qui va à contre-courant de la logique cartésienne encore bien présente. Mais il n’oppose pas en fait la logique causale et la logique effectuale, chacune trouvant sa place dans un contexte donné. Il précise aussi que l’effectuation est surtout une attitude plus qu’une méthode, et qu’elle peut donc s’appliquer dans d’autres contextes que la création d’une entreprise (« intrapreneuriat »).
Notre avis : un livre stimulant, clair et facile à lire (surtout dans la première partie où il présente les principes de l‘effectuation – les deuxième et troisième parties sont moins évidentes). Certes il pourra surprendre les esprits cartésiens habitués à la logique dite « causale » et au processus classique de résolution de problème, mais c’est une invitation au pragmatisme et à la créativité. A noter que Philippe Silberzahn développe longuement la notion d’incertitude, toile de fond de l’environnement de l’entrepreneur, dans son dernier ouvrage « Bienvenue en incertitude » qui fera l’objet de la prochaine fiche de lecture.