C’est une pièce en trois actes
Acte 1 : à la fin des années 90, j’anime un séminaire de vision pour le comité de direction d’une importante entreprise. Lors de la phase de « rêve » (« rêvez votre entreprise dans le futur »), la Directrice Marketing évoque la création d’une Direction du Bonheur, dont elle serait d’ailleurs la responsable. Sourires entendus dans l’assistance qui applique la règle de la non censure, mais qui n’en pense pas moins, et l’idée disparaît bien vite !
Acte 2 : quelques années après, je lis un article dans Le Monde annonçant que la Sécurité Sociale de Belgique avait nommé une « Directrice du Bonheur » ! Depuis, cette personne, Laurence Vanhée, est devenue médiatique, donne des conférences, a été nommée « DRH de l’année 2012 » en Belgique. Il est à noter que c’est elle-même qui s’était attribué ce titre de Directrice du Bonheur.
Acte 3 : année 2016, année du Bonheur ! On en parle partout : un article de Management (septembre 2016) présente la fonction de « Chief Happiness Officer », des ouvrages paraissent sur le sujet, Le Monde en reparle, …
Alors, que faut-il en penser ?
Se réjouir qu’à Créargie, nous étions précurseurs ?
Plus sérieusement, on apprend par Harvard- MIT que les salariés heureux sont 31% plus productifs et 55% plus créatifs ! Quelle précision ! Ce serait intéressant de savoir comment ces chiffres ont été mesurés. Il est vrai que la souffrance au travail, le burn-out sont des réalités, et l’on connaît les ravages du management par la pression.
Mais je commence à être irrité par cette tendance au « Happiness washing », comme s’il suffisait de créer un poste et de nommer un responsable pour que le bonheur s’installe partout dans l’entreprise. Il y a toute une culture à changer, qui concerne tout le monde, à commencer par le top management. On ne crée pas du bonheur non plus en installant un baby-foot pas plus qu’on ne rend une entreprise créative en mettant des canapés rouges dans les salles de réunion (je rappelle que le canapé rouge est devenu l’emblème du Design Thinking).
De plus, trop c’est trop : j’ai eu des témoignages de salariés supportant mal cette pression, cette tyrannie du bonheur qui règne dans certaines entreprises pourtant en pointe dans les médias. Préserver l’espace intérieur de chaque personne devrait être une préoccupation permanente des responsables. Et c’est une de nos règles de conduite dans les séances de créativité que nous animons.
Et il suffit de voir l’étincelle qui brille dans les yeux des participants à ces séances pour voir que nous créons du bonheur dans ces séances, en plus de créer des idées innovantes !
Et si finalement, ce n’était pas cela, la recette du bonheur au travail : développer la créativité, tout simplement ?
Paul-Hubert des Mesnards